Le mois dernier, à l’issue de la réunion du bureau réalisée dans les locaux de la mairie de Réau, l’association Territoires & Prisons a eu l’occasion de se rendre au centre pénitentiaire sud francilien (CPSF) situé dans cette même commune au cœur du département de Seine-et-Marne.
Quelques rappels
Le CPSF de Réau fut construit dans le cadre du programme de construction de 13 200 nouvelles places de prison initié par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002. À ce titre, il fait partie du même lot de partenariats public-privé que les centres pénitentiaires de Lille-Annoeullin et de Nantes. En 2004, le site – situé en bordure de l’autoroute A5 – a été sélectionné et les travaux ont débuté en 2008. Le CPSF a finalement été mis en service en juin 2011, et c’est le Président de la République Nicolas Sarkozy qui l’a inauguré le 13 septembre 2011. L’établissement a accueilli ses premiers détenus en octobre de la même année.
D’une superficie de 47 000 m², le centre pénitentiaire de Réau regroupe plusieurs quartiers soumis à des régimes de détention différents :
- Un quartier maison centrale d’une trentaine de 28 places ;
- Un quartier centre de détention pour hommes de 448 places ;
- Un quartier centre de détention pour femmes de 87 places ;
- Un quartier centre national d’évaluation de 52 places ;
- Une unité d’attente et de transfèrements (UAT) regroupant les personnes détenues devant être transférées vers un même établissement pénitentiaire.
La visite du 22 mars 2024
Cette visite a été l’occasion pour les membres de l’association Territoires & Prisons de mettre en exergue les points relevés lors de la réunion de bureau réalisée en amont, mais aussi de développer leur compréhension des enjeux carcéraux actuels.
Le centre pénitentiaire sud francilien a malheureusement fait l’actualité ces dernières semaines. Six surveillants ont été placés en garde à vue le mardi 14 mars et ont été présentés à un juge d’instruction pour avoir participé à divers trafics notamment de stupéfiants, comme annoncé par le procureur de Melun. Ils sont accusés d’avoir participé à l’introduction en détention d’objets ou de substances interdites, notamment des téléphones portables, des bouteilles d’alcool et des produits stupéfiants. Ces surveillants sont suspectés d’avoir commencé leur trafic en octobre 2022. L’enquête, confiée au commissariat de Melun-Val de Seine, avait débuté après un signalement des services pénitentiaires.
Lors de notre visite du 22 mars, le but n’était évidemment pas d’interférer sur l’enquête en cours. Programmée il y a plusieurs semaines, cette visite devait permettre aux membres du bureau de l’association de découvrir les différents quartiers du CPSF et d’échanger sur la situation carcérale locale mais aussi nationale au cours d’un déjeuner de travail avec la Directrice du centre Madame Nathalie Faustin et son Adjointe Madame Karine Schwickert.
Les établissements pénitentiaires continuent de faire face à des problèmes de surpopulation, de conditions de détention précaires et de tensions croissantes. Malgré les efforts déployés pour reformer le système pénitentiaire, les taux de récidive restent élevés, mettant en lumière la nécessité d’une approche plus holistique de la réhabilitation des détenus. De plus, les inégalités persistantes dans l’accès aux services de santé, à l’éducation et à la réinsertion sociale exacerbent les tensions et compromettent les perspectives de réintégration réussie dans la société.
La situation carcérale en France au 1er mars 2024 est marquée par plusieurs défis persistants, nécessitant une attention urgente et une action concertée. Lors de notre visite du CPSF de Réau, nous avons pu identifier ensemble cinq thématiques prioritaires :
1/ La surpopulation carcérale
Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record au 1er février 2024, avec 76 258 personnes incarcérées, soit 3 964 de plus que le mois précédent, et une hausse de 5,5 % en un an, selon des chiffres publiés jeudi par le ministère de la Justice. C’est le nombre de détenus le plus élevé jamais enregistré, selon les statistiques de l’administration pénitentiaire. Au 1er février, les prisons françaises comptaient 61 737 places opérationnelles (+1,8% en un an) et la densité carcérale globale s’établit à̀ 123,5 %.
Cette surpopulation dans les établissements pénitentiaires reste un défi majeur, affectant non seulement les conditions de vie des détenus, mais également la sécurité et le bien-être du personnel. Des mesures efficaces doivent être prises pour réduire la surpopulation et garantir des conditions de détention digne. Face à la surpopulation carcérale chronique, qui a valu à la France une nouvelle condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme en juillet2023, le Gouvernement table sur la construction de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027.
Sur le sujet, le CPSF de Réau n’est pas touché par ce phénomène et les conditions de détention sont très favorables.
2/ La réinsertion Sociale
L’amélioration des programmes de réinsertion sociale et professionnelle est essentielle pour réduire les taux de récidive et favoriser une transition réussie des détenus vers la vie en société. Un soutien accru, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’accès à l’emploi, est nécessaire pour renforcer les perspectives d’intégration post-carcérale.
À ce titre, le CPSF de Réau est un exemple en la matière et de nombreuses initiatives ont été mise en place par la direction.
3/ Les conditions de détention
En raison de cette surpopulation carcérale, 3 059 détenus sont contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol en France, soit 50,2 % de plus qu’il y a an. Parmi les personnes incarcérées, 20 254 sont des prévenus incarcérés dans l’attente de leur jugement.
Au total, 92 641 personnes étaient placées sous écrou au 1er février. Parmi elles, on compte 16 383 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur. À noter une augmentation annuelle de 21,6 % du nombre de condamnés en placement extérieur hébergés (203 au 1er février).
Il est impératif d’améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en garantissant le respect des droits fondamentaux des détenus, y compris l’accès à des soins de santé adéquats, à une alimentation équilibrée et à des activités de loisirs et de recréation.
Sur le sujet, le CPSF de Réau fait une nouvelle fois figure d’exception.
4/ La violence en milieu carcéral
La violence en milieu carcéral constitue une préoccupation majeure, menaçant la sécurité des détenus et du personnel. Des mesures de prévention et d’intervention efficaces doivent être mises en place pour lutter contre la violence et assurer un environnement sécuritaire à l’intérieur des établissements pénitentiaires.
Il s’agit d’une action à long terme à mener dans l’ensemble des établissements pénitentiaires français.
5/ La réforme du système pénitentiaire
Une réforme structurelle du système pénitentiaire est nécessaire pour remédier aux problèmes systémiques et promouvoir une approche plus humaine et efficace de la justice pénale. Cela implique la modernisation des infrastructures, le renforcement des effectifs et des compétences du personnel pénitentiaire, ainsi que l’adoption de politiques et de pratiques axées sur la réhabilitation et la réintégration.
En conclusion, la situation carcérale en France requiert une action urgente et coordonnée de la part des autorités publiques, des organisations de la société civile et de la communauté dans son ensemble. En tant qu’association fédératrice de territoires accueillant des établissements pénitentiaires, Territoires & Prisons s’engage à jouer un rôle actif dans la promotion d’une approche juste, humaine et efficace de la justice pénale, axée sur la réhabilitation et la réintégration des détenus dans la société. Nous remercions chaleureusement la direction du CPSF de Réau pour leur accueil, la visite complète du site et ces échanges constructifs.