Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, s’exprime sur l’urgence de réguler la population carcérale en France. Elle interpelle sur la gestion actuelle des prisons et soulève des inquiétudes concernant la situation de la psychiatrie au sein des maisons d’arrêt
Un projet de loi pénitentiaire insatisfaisant
Le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, ne répond pas aux problématiques de surpopulation carcérale, selon Mme Simonnot. Les mesures envisagées se limitent à la construction de nouvelles places en prison, une approche qu’elle juge insuffisante. Si la libération sous contrainte a été instaurée dès le 1er janvier 2023, Mme Simonnot estime qu’une véritable politique de déflation et de régulation carcérale nécessite une réflexion plus globale et stratégique.
Un amendement pour une régulation progressive
Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine, et Caroline Abadie, députée de l’Isère, ont proposé un amendement limitant le taux d’occupation des maisons d’arrêt françaises à 100 % d’ici 2027. Si cette initiative de réforme progressive a rencontré l’opposition du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, elle a au contraire pu compter sur le soutien de Dominique Simonnot, qui espère que d’autres amendements aussi ambitieux verront prochainement le jour.
Les alternatives proposées par le ministre
Éric Dupond-Moretti privilégie la construction de nouvelles prisons et le renforcement des peines alternatives comme le travail d’intérêt général (TIG). Cependant, Mme Simonnot souligne que la construction de nouvelles places conduit inévitablement à une surpopulation accrue, citant l’exemple de la prison de Lutterbach, déjà en sureffectif depuis son ouverture. Elle déplore également le faible recours aux TIG en France comparé à d’autres pays européens.
Des mécanismes de régulation inefficaces
Le mécanisme du « stop écrou », qui empêche l’incarcération d’un détenu au-delà d’un seuil critique de surpopulation, est critiqué par Dominique Simonnot pour son inefficacité. Elle préconise un système de régulation carcérale national et contraignant, arguant que cela permettrait une gestion plus sereine et efficace de la détention, comme observé durant la pandémie de coronavirus
Une consultation limitée et des attentes déçues
Mme Simonnot regrette de ne pas avoir été consultée par le Garde des Sceaux lors de la rédaction du projet de loi. Elle constate que les recommandations des États généraux de la Justice, notamment concernant la surpopulation carcérale, n’ont pas été prises en compte.
La culture de l’incarcération
Dominique Simonnot critique la perception dominante par laquelle la prison est envisagée comme seule peine valable: il s’agit selon elle d’une vision qu’elle juge démagogique et contre-productive. Elle appelle à une réflexion sur des alternatives à l’incarcération ; alternatives qui permettraient véritablement de réhabiliter les détenus au lieu de les rendre encore plus vulnérables à leur sortie.
Un appel à l’action pour la santé mentale
Enfin, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté met en lumière l’urgence de recruter des psychiatres et de renforcer les soins en milieu carcéral. Elle dénonce le manque de prise en charge des troubles mentaux, qui conduit à une situation de crise dans les prisons, transformées en hôpitaux psychiatriques de facto.
Dominique Simonnot plaide pour une réforme profonde et réfléchie du système pénitentiaire, afin de rompre avec la logique de punition et de vengeance qui prédomine actuellement, et de véritablement œuvrer à la réhabilitation et au bien-être des détenus.